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Des médicaments populaires comme l’Ozempic pourraient-ils aider à régler la crise de l’usage de substances?

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Date de publication: 20 June 2025

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Une classe de médicaments utilisés dans le traitement du diabète de type 2 et de l’obésité pourrait aussi servir dans le traitement du trouble lié à l’usage de substances. Popularisés par des marques comme l’Ozempic et le Wegovy, les GLP-1 s’annoncent prometteurs pour aider à atténuer l’envie de consommer des substances comme l’alcool et les opioïdes, y compris le fentanyl. 


Après 10 ans d’existence, la crise des drogues toxiques continue de coûter la vie à des milliers de personnes chaque année au Canada. Au-delà des drogues, la consommation d’alcool entraîne elle aussi des milliers de décès tous les ans.  


Il est donc crucial de prendre des mesures urgentes et créatives pour résoudre cette crise. Le recours à de nouveaux médicaments novateurs pourrait être l’une de ces mesures, même si on hésite parfois à considérer les médicaments comme faisant partie intégrante de la solution. La crise des drogues toxiques a de nombreuses causes, notamment la prescription excessive d’opioïdes comme l’oxycontin. La prudence est certes de mise, mais il faut envisager d’utiliser les nouveaux médicaments dans la lutte contre la crise. 


Des médicaments comme l’Ozempic s’avèrent prometteurs dans le traitement du trouble lié à l’usage de substances parce qu’ils perturbent le cycle de la récompense neurologique à la base de ce trouble. Les premières études réalisées montrent une diminution de l’état de manque et de la consommation allant jusqu’à 50 %. Ces médicaments jouent sur les circuits de la récompense du cerveau et atténuent l’état de manque et l’envie de consommer des substances comme l’alcool et les opioïdes. Cela dit, d’autres recherches devront être faites pour déterminer s’il s’agit d’un tournant décisif en matière de traitement ou d’un feu de paille. 


La façon dont les GLP-1 pourraient aider à changer les habitudes de consommation d’alcool ou de drogue n’est pas assez étudiée au Canada, mais les données préliminaires sont prometteuses. Pour lever cet obstacle, il faudra donc intensifier la recherche, donner la priorité au financement et réviser les politiques en place. La sensibilisation du public et les recommandations d’organismes de réglementation – non de sociétés pharmaceutiques – sont essentielles pour répondre aux enjeux et assurer une utilisation sûre et efficace des médicaments. 


Mais il n’y a pas que la recherche dont il faut tenir compte. L’accès à des soins factuels et à des aides concrètes est un défi permanent pour ceux et celles qui cherchent à se faire soigner et qui veulent améliorer leur santé. Le prix des médicaments prescrits pour traiter un trouble lié à l’usage de substances peut être exorbitant si on n’a pas d’assurance maladie complémentaire ou d’accès au régime provincial. Ces médicaments sont souvent onéreux, et la plupart des régimes publics d’assurance ne les couvrent que si c’est pour traiter ce trouble. 


La disponibilité d’un médicament influe aussi sur son prix. En Ontario, par exemple, la couverture publique des GLP-1 sous forme orale et injectable a été limitée au traitement des personnes atteintes de diabète de type 2. Ce faisant, tous les autres patients se retrouvent sans couverture.   
Lorsque des études convaincantes démontreront le potentiel des GLP-1 dans le traitement du trouble lié à l’usage de substances, il faudra que les régimes publics d’assurance-médicaments au pays autorisent rapidement la prescription appropriée de ces médicaments aux personnes qui pourraient en bénéficier. Pour certains, les soins en dépendance et en santé liée à l’usage de substances sont inaccessibles. Les GLP-1 seraient alors un outil de plus à la disposition des médecins de famille, ce qui élargirait considérablement l’accès au traitement. 


Des versions génériques de médicaments comme l’Ozempic devraient aussi faire leur apparition sur le marché canadien dès l’année prochaine (bien avant leur apparition sur le marché états-unien). Si cela contribuerait à réduire notre fardeau financier collectif, il faut tout de même des données claires pour comprendre à qui ce médicament serait réellement bénéfique.  


Le Canada cherche à revoir son processus d’homologation des médicaments. Il souhaite ainsi faciliter l’accès des nouveaux médicaments aux patients, tout en continuant à assurer leur innocuité et leur efficacité. L’examen des règlements de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances en cours est une excellente occasion d’aborder ces questions et pourrait inciter les sociétés pharmaceutiques à investir dans la recherche, sans fragiliser d’importantes mesures de protection. Il faut aussi s’assurer que la recherche se fasse au Canada et qu’elle tient compte de facteurs comme la race et le genre. 


Tout comme dans d’autres secteurs des soins de santé, les médicaments doivent souvent être prescrits en même temps qu’un traitement psychologique et un soutien social. D’où la nécessité d’un investissement continu à long terme dans des programmes communautaires, des psychothérapies, des services d’entraide entre pairs et des initiatives de réduction des méfaits qui favorisent la santé. En proposant aux gens une gamme d’aides d’ordre médical et non médical, ils auront accès à tous les outils dont ils ont besoin pour être en bonne santé et le rester. 

Le Dr Alexander Caudarella, MDCM, CCMF (MT), ABAM (d), est le premier dirigeant du Centre canadien sur les dépendances et l’usage de substances, et Kim Corace, Ph.D., C. Psych., est vice-présidente, Innovation, et scientifique principale au Centre canadien sur les dépendances et l’usage de substances.