Nouvelles du CCDUS

Allocution devant le Comité sénatorial des affaires sociales, des sciences et de la technologie

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Dr Alexander Caudarella
Premier dirigeant, Centre canadien sur les dépendances et l’usage de substances
23 octobre 2025

Madame la présidente, madame la vice-présidente et chers membres du comité, je vous remercie d’avoir invité le Centre canadien sur les dépendances et l’usage de substances, ou CCDUS, à vous entretenir aujourd’hui du projet de loi S-202 concernant l’ajout d’étiquettes de mise en garde sur les boissons alcoolisées.

L’alcool est l’une des principales causes évitables de décès et de problèmes sociaux au Canada. Selon notre rapport Coûts et méfaits de l’usage de substances au Canada, l’alcool coûte au pays près de 20 milliards de dollars par an, alors que les recettes publiques qu’il génère ne s’élèvent qu’à 13 milliards. Ce déficit de 6,4 milliards de dollars est porté par les gens et les communautés d’ici sous forme d’engorgement des urgences, de coûts sociaux et de perte de productivité. Considérant que les méfaits l’emportent sur les revenus dans une telle proportion, les personnes au Canada méritent d’avoir accès à de l’information claire et normalisée là où les choix sont faits – sur l’étiquette.

Comme l’a entendu le comité, l’alcool est une substance cancérigène du groupe 1. Cette catégorie regroupe les substances qui présentent les risques les plus élevés de cancer. L’alcool est associé à au moins sept types de cancer et contribue aux maladies du foie et aux affections cardiovasculaires. Pourtant, de nombreuses personnes au Canada ont une compréhension limitée de ces risques, et le manque de connaissances a des conséquences.

Une telle confusion n’a rien de surprenant. La semaine dernière encore, un grand média a minimisé le lien entre l’alcool et le cancer. Les données sont sans équivoque : 2 des 50 substances classées comme des cancérigènes du groupe 1 – l’éthanol et l’acétaldéhyde – sont présentes dans l’alcool. Il est donc crucial d’envisager des stratégies qui permettront de réduire les méfaits de l’alcool au Canada. Les gens ont besoin de clarté pour faire abstraction des messages véhiculés par l’industrie et prendre des décisions éclairées en fonction de leur état de santé et de leurs valeurs personnelles.

Actuellement, les gens sont motivés à améliorer leur santé et à surveiller et limiter leur consommation d’alcool. Par contre, nous ne leur facilitons pas les choses quand ils sont en magasin.

En 2023, mon organisation a publié les Repères canadiens sur l’alcool et la santé, qui ont été préparés par 23 experts, de 16 organisations. Ce travail a été fait à la demande de Santé Canada afin d’actualiser les Directives de consommation d’alcool à faible risque, rendues publiques par le CCDUS en 2011. Les repères réunissent les connaissances scientifiques les plus récentes sur l’alcool et ses effets sur la santé des personnes au Canada. Il est important de noter que, selon les repères, les étiquettes de mise en garde sur les boissons alcoolisées pourraient constituer un moyen particulièrement efficace de réduire les méfaits liés à l’alcool.

L’ajout obligatoire d’étiquettes d’information de santé sur les contenants d’alcool est une stratégie de santé publique confirmée. De telles étiquettes comportent des mises en garde concernant la santé, des informations sur le verre standard et des recommandations nationales actualisées et aident les gens à comprendre les risques liés à la consommation d’alcool.

Au Canada, la réglementation en place n’exige pas que les étiquettes comportent des messages de santé, des informations sur le verre standard ou des recommandations nationales. Même les étiquettes de valeur nutritive et les listes d’ingrédients ne sont requises que dans des circonstances exceptionnelles.

L’alcool n’est pas soumis aux mêmes exigences sévères d’étiquetage que d’autres substances psychoactives réglementées, comme le tabac et le cannabis. Cela dit, de plus en plus de données solides montrent que des étiquettes plus détaillées sur les contenants d’alcool renseignent les consommateurs sur les risques que pose l’alcool pour la santé, leur donnent les moyens de prendre des décisions éclairées et les sensibilisent aux risques sanitaires et comportementaux liés à la consommation d’alcool.

Un sondage mené par le gouvernement du Canada en 2023 a révélé que 59 pour cent des personnes au Canada estiment que les boissons alcoolisées ne devraient pas être exemptées des exigences d’étiquettes de mise en garde actuellement applicables aux produits du tabac et du cannabis. Une majorité des jeunes de 16 à 19 ans pensent que de telles étiquettes les aideraient à prendre des décisions éclairées.

Un nombre croissant d’organisations, dont l’Organisation mondiale de la Santé, la Société canadienne du cancer, le Centre de toxicomanie et de santé mentale, les médecins hygiénistes en chef des provinces et territoires et l’Association canadienne de santé publique, demandent aux décideurs d’agir.

En 1987, le Comité permanent de la santé nationale et du bien-être social a parcouru le pays et est revenu avec une série de recommandations sur l’usage de substances appuyées par tous les partis. L’une de ces recommandations était la création de mon organisation, le CCDUS. Une autre concernait l’apposition d’étiquettes de mise en garde sur toutes les boissons alcoolisées.

Depuis lors, plus d’une douzaine de tentatives ont été faites pour faire avancer la question par le biais de projets de loi, de motions et d’autres mesures. Aujourd’hui, la science est claire. Le soutien populaire et institutionnel est là. Les étiquettes sont une mesure de santé publique rentable. Alors pourquoi continuons-nous à débattre autant de leur valeur? Quel est le risque ici?

En 2025, les boîtes de céréales Count Chocula comportent plus d’informations sur les effets de ce produit sur la santé que les bouteilles de bière de Budweiser.

Les personnes au Canada ont le droit de savoir. Je suis médecin de famille et je constate qu’il règne une certaine incertitude face au monde de nos jours. Les gens viennent dans mon cabinet, et dans d’autres cabinets partout au pays, pour mieux comprendre comment ils peuvent améliorer leur santé et comment ils peuvent vivre plus longtemps. C’est tout.

Il ne s’agit pas de dire aux gens comment vivre leur vie, mais ils ont le droit de connaître les effets de l’alcool sur leur santé et de prendre les décisions qui leur conviennent.

Il faut que l’information soit accessible à tous. Il y a 10 mois, le Surgeon General des États-Unis a déclaré que la plupart des personnes qui développeront un cancer lié à l’alcool ne souffrent pas d’un trouble d’usage de substances ni dépendance, et il avait raison.

Il nous incombe de veiller à ce que les personnes au Canada aient aisément accès à l’information dont elles ont besoin et qu’elles souhaitent obtenir – et d’aller enfin de l’avant avec l’apposition d’étiquettes améliorées sur les contenants d’alcool.

Je vous remercie de m’avoir invité à m’exprimer aujourd’hui sur ce sujet important.